Loin de l’image du champagne. Et loin du cadre d’un château ou d’un grand domaine. « L’inspiration de la méthode du vin effervescent pour faire du poiré est vraie. Nous avons d’ailleurs de vrais points communs avec les vignerons. Plus qu’avec les producteurs de cidre, expose Jérôme Forget, en faisant faire le tour de sa ferme et de son domaine. Mais les comparatifs s’arrêtent là. Et notre plus grande richesse, ce sont ces 15 hectares de vergers hautes-tiges, composés d’environ 1 000 arbres, pour certains bicentenaires. »
Au coeur du Bocage et au milieu des prés et des vaches normandes, Jérôme Forget élabore depuis 1995 des cidres de tradition et des poirés d’exception.
« À mon installation, je me suis investi, avec d’autres agriculteurs dans un groupe de réflexion. Nous voulions faire avancer la reconnaissance de nos réalisations, définir des clauses pour une AOP Poiré Domfront. » Cette quête, à la fois authentique et empreinte de progrès, nourrit depuis le travail et la philosophie du cidriculteur.
« Au début de ma carrière, l’idée de faire des boissons effervescentes n’était que du fun. Puis, je me suis pris au jeu. Tout en essayant de bien faire les choses. »
En balayant de la main le paysage de son exploitation, le producteur se remémore : « après la tempête de 1999, j’ai dû replanter énormément d’arbres. Je l’ai fait avec un souci : reconstruire en préservant un patrimoine qui était en voie de disparition. J’ai pensé aux anciens, à leur technique du pré-verger, leurs essences. J’ai patienté 25 ans avant de cueillir les premiers fruits. »
Pétillants éléments
Rencontre avec Jérôme Forget
Le poiré a un intérêt et une notoriété croissants. À Paris, dans les bars et caves branchées. À l’étranger. C’est une reconnaissance pour notre travail. Car ce succès est celui de tous les collègues de l’AOP, avec qui nous partageons les expériences.
Le début d'une grande histoire
Poiré AOP, à la méthode traditionnelle dégorgée. Vinot, avec les variétés Vinot, Pomera et Plant de Blanc en fermentation complète. Fossey, monovariétal. Aujourd’hui, les productions de la Ferme de l’Yonnière séduisent au-delà des frontières domfrontaises et normandes.
De ses arbres « non traités », de ses caves « où notre gamme est élaborée en prise de mousse naturelle », sortent chaque année près de 50 000 bouteilles.
« J’élabore également des jus et un apéritif, le Pyrus, délicat alliage du jus de poire et du Calvados de poire. » Expérimentateur « depuis toujours », Jérôme Forget décline aussi des boissons atypiques, comme une cuvée sans sucre, une autre inspirée des vignerons nature. « Ou encore des microcuvées pour lesquelles j’utilise des foudres de gamay, de chardonnet. »
Désormais, l’agriculteur se voue à une nouvelle mission : transmettre son expérience, ses connaissances et son domaine.
La relève est là. Toute une génération formée dans les lycées agricoles est en train d’acquérir un savoir solide. Il
leur reste à maîtriser la pratique. Cidre et poiré ont bien entendu des similitudes, mais aussi de grandes différences. Nous leur enseignerons, explique Jérôme Forget. Nous leur montrerons aussi comment composer avec les différentes variétés de fruits.
Chacune a ses particularités, son goût et ses alliances. Le poiré requiert de les comprendre pour trouver l’équilibre entre la sucrosité, l’acidité, … Son histoire ne fait que commencer. Autant leur confier de bons outils pour poursuivre son écriture.